Home sweet home !

[Frejalla Heres]

Home sweet home

J4 : Ma mère coiffe mes cheveux comme elle a toujours aimé le faire alors que je toise mon sublime reflet dans le miroir. Il n'y a rien à redire car physiquement, je suis parfaitement mise en beauté mais je ne suis qu'une vieille carcasse vide. Mon cœur est en miettes, rongé par le chagrin et l'éloignement avec celui auquel il appartient. Je m'apprête à fêter mes fiançailles et à précipiter mon mariage dans un seul but : sauver son enfant que je porte probablement en moi. S'il était confirmé que je suis bien enceinte, il se pourrait que mon père me tue sur le champ ou pour me punir pour l'éternité, détruise toute trace de cet enfant. Je me lève d'un bond, chassant les émotions qui rongent mon cœur et je m'enferme dans la salle de bain. J'enfouis mon visage entre mes mains et alors que ma mère vient fraichement de me maquiller, je fonds en larmes et ne ressemble plus à rien. Je tâche ma robe blanche, alors je tente de faire disparaître les tâches avec de l'eau. Je chasse les larmes qui roulent sur mes joues mais les flashs me reviennent, m'aveuglant et me présentant une jeune femme dans le miroir, vêtue d'une robe blanche, immaculée de sang. Je recule de plusieurs pas, victime à nouveau de ces hallucinations. Je sais que ceux sont des hallucinations mais elles ont le don d'être tellement bien faites qu'elles me font croire qu'elles sont réelles. Je détourne le regard et je tourne le dos au miroir mais j'aperçois alors une petite fille, trempée de la tête aux pieds, tâchée de sang et regardant dans le vide. Je recule à nouveau, mon dos heurtant de plein fouet le miroir derrière moi. Aide-moi... Non, je murmure. Tu n'es pas réelle. Ae...lita... Ses lèvres ne bougent pas mais sa voix raisonne dans ma tête. Je recule à nouveau, tremblant de tout mon être. La petite s’effondre au sol et je pose ma main sur ma bouche pour étouffer mon cri d’effroi. Pourquoi ces hallucinations sont-elles de plus en plus violentes ? Faites que ça s'arrête. Aelita ? Tout va bien ? Oui, maman, dis-je d'une voix tremblante. J'ai besoin d'un instant. Je rince mon visage et je prends une grande bouffée d'air pur. Je vrille mon regard sur ma droite mais le corps de la petite fille n'est plus. Je ravale mes larmes et j'ouvre la porte, ma mère toise. Tu es certaine que tout va bien ? Oui. Je la contourne et je fais les cents pas dans ma chambre à la recherche d'un objet pouvant canaliser mes émotions. Si seulement Theodor était là, si seulement j'avais un moyen pour m'en sortir avant d'imploser. Ma mère pose chacune de ces mains sur mes épaules. Je vois que tu vas pas bien. Il faut que tu te reprennes, Aelita. Tu vas devoir rencontrer des gens, ton fiancé et faire face à ton père. Tu comprends ce que je veux dire ? Je vais bien, dis-je fermement. Non tu ne vas pas bien, me contredit ma mère. Tu n'es plus la même depuis que tu es rentrée de je ne sais où. Quelque chose t'a changé, qu'est-ce qui s'est passé ? Je tourne les dos à ma mère, frissonnant de colère. Elle va pas me pousser à bout et stupide comme je suis, je fonce dans le tas, parce que je n'arrive plus à rester calme. Laisse-moi seule, je crache. Aelita... Dégage ! je hurle. Je la repousse violemment et elle se heurte à la porte de ma chambre. L'instant d'après je regrette de lui avoir fait et je me sens encore plus coupable, encore plus névrosée et déprimée. Je m’effondre sur mon lit en pleurant sous les yeux de ma mère, en qui j'ai confiance. Si mon père était témoin de cet afflux de sentiments dont je suis pourvue, il m'aurait déjà enfermé. Ma mère me serre contre elle, caressant mes cheveux et embrassant le sommet de mon crâne. Il ne me reste que peu de temps avant de partir pour ces maudites fiançailles mais plus le temps passe, et plus je deviens folle. Alors que j'ouvre à peine les yeux, la petite fille est de nouveau présente. Elle a de longs cheveux blonds, le visage barbouillé de noir et les vêtements tâchés de sang. Je ferme de nouveau les yeux pour ne plus la voir, mais sa voix raisonne inlassablement dans ma tête. Aelita... Maman, je murmure. Je t'en prie, aide-moi. Sa main se resserre autour de la mienne et son soupir est long et triste. Je ne peux pas, susurre-t-elle. Toi seule peut te sortir de cette situation. Je suis tellement désolée, Aelita. Sa voix me percute de plein fouet, réveillant de nouvelles visions en moi. Tout ce sang laisse place au visage de ma mère me murmurant des mots doux, me suppliant de la pardonner et me répétant inlassablement qu'elle est désolée. Je tremble de tout mon être, serrant les poings et les dents. J'entrevois des enfants, alignés les uns derrière les autres et lorsque je me tourne, je vois cette petite fille aux longs cheveux blonds tout juste derrière la rouquine. Toutes les deux se sourient et se prennent dans les bras et lorsque la rouquine se tourne vers moi, je comprends qu'il ne s'agit que de moi. Je me réveille en sursaut, le souffle court, le cœur battant à tout rompre. Ma mère n'est plus là mais elle a pris soin de déposer un petit mot sur ma table de chevet. Je me lève, titubant dans cette maudite longue robe blanche et je m'en empare. Si tu veux des réponses à tes questions, rends-toi au laboratoire. Maman. Je lève la tête, toisant la porte. La cérémonie est dans 1h, cela ne me laisse que peu de temps pour agir.

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