A mon réveil, je suis perturbée. Je n'ai pas beaucoup dormi à vrai dire, comment aurais-je pu ? Je suis déboussolée, à la fois ravagée par le fait que ma vie ne sera plus jamais comme avant et mitigée entre l'idée que je ressens pour la première des sentiments si purs, qui ne pourront malheureusement jamais être révélés au grand jour.

Je prends rapidement une douche à mon réveil, je m'aperçois que Thomas n'est pas là. A quoi joue-t-il ? Est-ce finalement beaucoup plus dur pour lui que pour moi ? J'ai toujours fais avec mes émotions, je sais prendre du recul, mais il est vrai que c'est plutôt compliqué à l'heure actuelle. Si le contrôleur n'était pas venu hier, Thomas et moi aurions franchi un cap certain et définitif, au péril de nos vies.

Je m'habille comme à mon habitude et je prends la direction du laboratoire. J'entrevois mes collègues, abordant leur visage fermé et sérieux et je fais de même. Je me rends dans mon antre et je referme derrière moi. Je tombe nez à nez avec Thomas, c'est tout de suite beaucoup plus difficile d'être sérieuse lorsque nous sommes face à face.

Bonjour Thomas, dis-je fermement.

Contrôle, réflexion, ne jamais lâcher prise, telle est ma devise. Je pose mes affaires sur le meuble à l'entrée alors que Thomas se lève, frôlant ma main. Je manque d'en mourir rien qu'à l'odeur se son parfum se risquant jusqu'à moi. Je me racle la gorge et je pose les yeux sur lui. Sa déclaration quant à son souhait de me protéger a pratiquement raison de mon self-control, mais je suis encore bonne actrice. Je prends une profonde inspiration et je le suis du regard, même lorsqu'il va s'asseoir, qu'il se retrouve dos à moi et que ses muscles tracent si bien la veste de laboratoire qu'il porte. Je détourne le regard.

J'ouvre la bouche pour commencer à le sermonner sur ces changements d'attitudes, mais ce n'est tellement plus naturel pour moi d'être ferme et distante que je ne trouve pas mes mots. Je pousse un long soupir et j'enlève ma veste, la déposant près de mon sac. Je prends une chaise et je vais m'asseoir près de lui.

Ecoute, je soupire, je me doute bien que la situation est aussi agréable pour toi qu'elle l'est pour moi, mais ne joue pas à l'idiot, ne te mets pas en danger. Occupons-nous de remplir cette mission avant que l'on soit les prochains à être décapités sur la place publique.

Je me lève et je m'empare de la paperasse. Je baisse les yeux sur le taux de suicide et je fais la moue.

Si, j'en ai déjà entendu parlé. J'ai failli mettre fin à mes jours il y a quelques années.

Je retourne m'asseoir auprès de Thomas et je lui souris timidement. Je pose les papiers sur le bureau et je le regarde droit dans les yeux. La tentation est si grande qu'elle m'obsède, mais si nous y mettons tous les deux du nôtre, peut-être arriverons-nous à faire du bon travail ici.

Allez, viens, on s'y mets.

Je lui tourne le dos et je me glisse jusqu'à l'armoire pour pouvoir enfiler une blouse.

Lorsque Thomas m'embrasse, mes convictions et considérations s'envolent comme une trainée de poudre. Je lui rends son baiser, cherchant le goût de ses lèvres, la conviction de ses gestes. Je me laisse emporter, parce que je n'ai pas d'autres solutions et parce que chaque geste, chaque caresse qui se faufile sur ma peau me rend ivre de son parfum. Thomas court à notre baiser et j'en profite pour reprendre ma respiration mais rapidement, je succombe une fois de plus à ses lèvres et je me sur sur lui pour anéantir ses paroles qui pourraient potentiellement, me faire taire.

Je l'embrasse follement, exerçant un tour sur moi-même alors que je ne m'en rends même pas compte. Je ne sais pas ce que je fais ni pourquoi j'ose me laisser porter, mais il va falloir que je m'arrête, rapidement. Je caresse timidement sa peau, le laissant parler, comme si ses paroles pouvaient interrompre mes envies. Je me secoue brusquement la tête et je recule d'un pas.

Thomas, je...

Je reprends petit à petit mon souffle. Je porte ma main à mes lèvres et je tourne sur moi-même. Je pousse un long soupir et je pose les yeux sur mon fiancé.

Thomas, on ne peut pas, non. S'il te plaît, ne t'approche pas plus.

Je reprends sereinement mon souffle et je reboutonne ma blouse. J'arrange mes cheveux qui partent dans tous les sens et je chasse mes TOC qui ne présagent qu'une profonde envie d'assouvir mes pulsions.

On ne peut pas faire ça. On ne peut pas se laisser aller et perdre pieds dans la réalité que nous vivons ici à Terra. Crois-moi, j'en meurs d'envie, autant que moi, mais... On ne doit pas céder. Nous ne sommes pas en sécurité ici, ni nul part, pas à Terra. Alors, je t'en prie...

Je recule d'un pas et j'attache mes cheveux, je pose à nouveau les yeux sur mon fiancé et collègue, Thomas.

Soyons professionnels avant tout, je murmure. Je t'en prie.

Parce que ma tête et la sienne sont maintenant mises à prix si jamais nous ne pouvions finir cet antidote et parce que si nous sommes démasqués, nous en mourrions également.

Je voudrais lui dire tout ce que je ressens, mais Thomas s'enfuit dans la pièce d'à côté. J'en profite pour reprendre mon souffle, pour lâcher un torrent d'émotion qui m'envahi. Les larmes ruissellent sur mes joues mais je les chasse aussitôt. Je prends appuie sur la table, manquant de vomir mon petit-déjeuner. Je frappe violemment mon cahier de prise de note et je l'envoie valser à travers la pièce.

Respire, me dis-je à moi-même. Reprends-toi.

Je ramasse mes affaires, je coiffe mes cheveux et je prends place à mon bureau. Je prends une profonde inspiration lorsque la porte s'ouvre à nouveau. Je détourne le regard pour ne pas me retrouver face à Thomas. Je prends sur moi et je reprends les notes que j'avais commencé à écrire. Je me lève de mon bureau.

Il faut commencer par analyser ce que l'on t'a donné. Qu'est-ce qui fait que certaines personnes puissent avoir des sentiments et d'autres pas ? Quel est leur....

Je tombe sur les yeux de Thomas et j'en perds mes mots durant un instant.

Problème, finis-je par terminer.

Comme si avoir des sentiments était un problème ? Pourquoi serions-nous le problème ? Je pose ma prise de note sur le bureau et je tourne le dos à Thomas. Je serre les poings.

Pourquoi ces gens devraient-ils être traités comme un problème ? Pourquoi être... Un ange avec des sentiments devrait porter préjudice à la société ? Est-ce que tu penses que c'est pour cela que certains anges ont été bannis ? Il y a des rumeurs, tu sais... Que la fille de la famille Krow est encore en vie. Elle pourrait détrôner Hans Pain, elle...

Je me tourne et je m'approche de Thomas, chuchotant comme si j'avais peur que l'on m'entende.

Elle est comme nous, je murmure. J'ai vu son bilan sanguin. Elle le savait, et je suis sûr qu'elle a fuit Terra pour cette raison. Nous ne savons pas tout, j'en suis certaine. Si seulement nous pouvions avoir tous les morceaux de l'histoire. Pour l'instant, nous sommes coincés, nous devons trouver un...

Je craque, je cède non seulement à la colère, mais à toute la folie qui nous entoure depuis que nous savons l'un pour l'autre.

Pourquoi devrions-nous trouver un putin de moyen pour nous sauver ?! Qui peut oser dire que nous devons être sauvés de nous-mêmes ? Ce n'est pas juste, Thomas ! C'est comme si...

J'ancre mon regard dans le sien et cette fois-ci, j'oublie toutes mes résolutions.

C'est comme si le temps nous été compté, je murmure. Ce que nous vivons en ce moment, nous ne pourrons jamais plus le vivre, parce qu'ils nous l'enlèveront. Ce ne sera jamais plus pareil. Nous ne serons bientôt plus que des anges, des machines angéliques dépourvus d'émotions...

La vérité est là : si Thomas et moi ne profitons pas de l'instant, il y a peu de chance pour que nous puissions un jour nous aimer à nouveau. Pas ici, pas à Terra.

Son idée semble si bonne, mais si nous nous faisons prendre, nous serons morts. Je le regarde intensément, puis je prends une profonde inspiration. Je lui tourne le dos, réfléchissant, pesant le pour et le contre de chaque situation.

Profiter de l'instant présent... Goûter à l'amour pour ne plus pouvoir le ressentir. Devoir le contrôler, ne jamais l'afficher, ne jamais se trahir.

Je me tourne à nouveau face à mon fiancé, le regard sombre. Je m'approche de lui et je pose ma tête contre son torse, écoutant son cœur.

Vivre comme deux amants maudits, dans l'interdit d'aimer. Vivre cacher... Comment pourrais-je accepter une vie pareille ?

Je lève la tête, ancrant à nouveau mon regard dans le sien. Je pose timidement ma main sur sa joue.

Si nous prétendons avoir prit ce sérum pour le tester sur nous et que nous sommes découverts, ils nous tueront, Thomas.

Je recule d'un pas, tirant tendrement Thomas vers moi. Je me heurte à la table du laboratoire et je suis maintenant coincée entre celle-ci et le corps de mon fiancé. Mon cœur bat la chamade, mais je ne me sens ni effrayée, ni intimidée. Je suis une femme, j'ai passé les premières histoire embarrassantes.

Plutôt mourir en hors-la-loi, que vivre en ne connaissant pas un centième de ces émotions que tu m'offres.

Je grimpe sur la pointe des pieds et j'embrasse passionnément Thomas, abandonnant mes dernières peurs. Après tout, nous sommes susceptibles de mourir à chaque instant maintenant que nous nous sommes révélés. Je me laisse tomber sur le doux chemin interdit, comme si cela avait toujours été écrit.